Rare chapiteau en pierre calcaire sculptée... - Lot 58 - Coutau-Bégarie

Lot 58
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Estimation :
8000 - 12000 EUR
Rare chapiteau en pierre calcaire sculptée... - Lot 58 - Coutau-Bégarie
Rare chapiteau en pierre calcaire sculptée toutes faces. Entre les angles aux extrémités en crosse sont sculptés des têtes expressives émergeant de feuillages. Ces têtes veulent représenter la variété ethnique de l'humanité par des traits d'africains et d'européens ; les cheveux sont bouclés et délimités par une rangée de petits trous, mais aussi ondulés, les yeux sont en amande repercés en leur centre, nez avec rides de chaque côté, bouche entrouverte, les lèvres sont charnues. Italie du sud, les Pouilles, fin du XIIe siècle H. : 36 cm - L. : 39 cm - P. : 39 cm (accidents et manques visibles) Se placer devant ce chapiteau roman pour l'observer ne laisse pas indifférent et suscite des interrogations multiples. En effet le motif des têtes émergeant de feuillages peut sembler très archaïque mais il suit une tradition romaine tardive que l'on trouve encore dans la région des Pouilles au XIIe siècle. Mais la question peut-être plus surprenante encore touche à la représentation de personnage aux traits africains qui étonne dans cet univers où l'homme d'occident est omniprésent ; l'homme africain dans l'art roman est rare. Il existe cependant un chapiteau conservé par le Metropolitan Museum of Art (inv 55.66) provenant probablement de Troia qui illustre la variété ethnique de l'humanité (fig a) avec une tête dont les traits sont sans conteste ceux de l'homme d'Afrique. Un autre chapiteau de la fin du XIIe siècle, de la collection Sam Fogg (fig b) provenant également du sud de l'Italie reprend ce thème de la pluralité ethnique et donne à voir une tête d'homme dont le motif des cheveux frisés sous la forme de petits carrés juxtaposés veut signifier l'origine africaine du personnage. Pour quelles raisons ses représentations apparaissent elles dans l'art européen ? Elles émanent d'un arrière fond culturel et politique très particulier, dans une atmosphère cosmopolite du sud de l'Italie à la fin du XIIe siècle. La conquête de la Sicile par les Normands à la fin du Xe siècle a été une première confrontation entre le monde chrétien à la peau blanche et le monde islamique à la peau sombre. De plus, les croisades vont être un vecteur de rencontre entre les peuples africains qui vont combattre dans les armées islamiques et la chevalerie européenne à partir de 1097. Par ailleurs le Saint empereur romain germanique Frédéric Barberousse, ayant épousé une héritière normande de la Sicile et de Naples, ainsi que leur fils Henri IV qui se lancent à la conquête de leur royaume légitime, emploient des serviteurs africains dans leur suite. Le Liber ad Honorem Augusti, abondamment illustré écrit par Pietro da Eboli entre 1195 et 1197 montre dans trois miniatures l'entrée triomphale dans Palerme du roi souabe entouré de trompettistes à la peau sombre. Cette représentation s'inscrit dans une continuité de pratiques des souverains normands qui employaient des serviteurs venus d'Afrique, tout comme dans les cours islamiques qui s'étendaient de l'Espagne à la Syrie à cette époque. Sur le plan politique, le fils d'Henri IV, Frédéric II souhaite apparaître comme un souverain méditerranéen cosmopolite. Il dirige son empire composé de sujets italiens et allemands mais aussi moyen-orientaux et ainsi prétend au trône impérial. Aidé par le Pape, Frédéric collabore donc à montrer la souveraineté séculaire de l'Eglise sur tous les peuples du monde. Représenter des figures africaines sur un chapiteau marque donc en premier lieu la volonté des souverains Hohenstaufen de légitimer leur pouvoir par des signes de continuité avec les princes qu'ils ont combattus. Mais plus encore, pour l'Eglise romaine, avec le concours de l'Empereur, il s'agit de montrer une hégémonie et un pouvoir étendu sur les peuples. Ce chapiteau a donc l'ambition en représentant les races de la terre, de symboliser à la fois la diversité humaine mais aussi de signifier l'emprise du pouvoir spirituel de l'Église sur le monde. Ouvrages consultés : - David Abulafia, Frederick II : A Medieval Emperor, Oxford University Press, 1988. - Henri Bresc, Frédéric II et l'Islam, dans Anne-Marie Flambard Héricher (dir.), Frédéric II (1194-1250) et l'héritage normand de Sicile, Caen : Presses universitaires de Caen, 2001 - Sam Fogg, architecture & ornament, 22 October - 19 November 2020, London - Sylvain Gouguenheim, Frédéric II, un empereur de légende, Paris, Perrin, 2015 - Paul H. D. Kaplan, Black Africans in Hohenstaufen Iconography. Gesta, vol. 26, no. 1, University of Chicago Press, International Center of Medieval Art, 1987, pp. 29-36 - Ostoia Vera K., To Represent What Is as It Is, The Metropolitan Museum of Art Bulletin, vol. 23, no. 10, The Metropolitan Museum of Art, 1965, pp. 367-72
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